1934

Tout à coup, je me suis rappelé que j’aurais dû donner un coup de téléphone, plus tôt dans la journée, mais à ce moment-là je n’avais pas de pièce de cinq cents ; or, maintenant, j’en avais une, grâce au sergent Rink ; alors je me suis arrêté dans une cabine téléphonique pour donner mon coup de téléphone.

La personne qu’il fallait que j’appelle n’était pas chez elle et le téléphone ne m’a pas rendu ma pièce de cinq cents. J’ai cogné dessus une demi-douzaine de fois avec le poing en le traitant de putain de saloperie. Ça n’a pas marché non plus. Et puis j’ai remarqué qu’il y avait un peu de moutarde sur le combiné et du coup je me suis senti un peu mieux.

Il allait falloir que je rappelle plus tard et les soixante-quinze cents que j’avais au départ étaient en train de filer à toute vitesse. Ç’aurait pu être drôle s’il y avait eu de quoi rire.

De toute façon, je n’avais pas faim ; plus maintenant.

Faut que je regarde le bon côté des choses.

Peux pas me laisser abattre.

Si je me laisse avoir par tout ça, je commence à penser à Babylone et alors ça ne fait qu’empirer parce que je préfère penser à Babylone qu’à n’importe quoi d’autre et quand je commence à penser à Babylone je ne peux faire que penser à Babylone et puis ma vie entière part à vau-l’eau.

Enfin, toujours est-il que c’est comme ça que ça se passe depuis huit ans, depuis 1934, date à laquelle j’ai commencé à penser à Babylone.